Biographie de Jean-Marie Ghuysen
Un texte proposé par Frédéric de Lemos Esteves d’après l’hommage à Jean-Marie Ghuysen, écrit par Jean-Marie Frère et Jacques Coyette
Jeunesse et études
Jean-Marie Ghuysen est né à Trembleur le 26 janvier 1925 où il grandit dans la pharmacie paternelle. Enfant, il fréquente l’école primaire de Blegny et plus tard, l’école secondaire Saint-Hadelin à Visé. Après des études secondaires gréco-latines, Jean-Marie Ghuysen découvre les sciences à l’Université de Liège et est immédiatement fasciné par la chimie et la physique. Sa passion pour la chimie est si grande qu’il entreprend d’étudier à la fois la pharmacie et la chimie. Il obtient son diplôme de Pharmacien en 1947 et termine le programme de chimie en 1948 présentant un mémoire sur l’isolement et la purification de l’ acide ribonucléique (ARN). Il obtient alors une bourse d’étude, de 1948 à 1951, afin de poursuivre ses recherches sur l’ARN avec le Professeur Victor Desreux dans le département de chimie. Il publie quatre articles qui forment le noyau de sa thèse de doctorat en sciences chimiques intitulée « L’étude de l’hétérogénéité de l’ARN » qu’il présente en octobre 1951 et pour laquelle il reçoit le prix Stas-Spring, le premier d’une grande série. En 1957, Jean-Marie Ghuysen obtiendra son diplôme d’Agrégé de l’Enseignement Supérieur en Sciences Pharmaceutiques.
Carrière et principaux travaux de recherche
Jean-Marie Ghuysen débute sa carrière dans l’unité de microbiologie générale et médicale de la Faculté de Médecine de l’Université de Liège dirigée par le Professeur Maurice Welsch entre 1951 et 1956. Avec le support de l’IRSIA (FRIA) et des Laboratoires Labaz, il étudie les enzymes bactériolytiques connus pour faire partie des composants de l’actinomycétine sécrétée par certains Streptomyces. Très vite, son équipe identifie et sépare plusieurs activités protéolytiques ainsi que divers enzymes bactériolytiques. Deux fractions enzymatiques, soumises à une étude approfondie, présentent différentes activités peptidasiques sur les parois cellulaires bactériennes. En 1957, il devient directeur d’une unité de biochimie et de microbiologie des Laboratoires Labaz. Les résultats rassemblés sur une période de 6 ans sont publiés dans 12 articles qui constitueront sa thèse d’Agrégé de l’Enseignement Supérieur en Sciences Pharmaceutiques.
En janvier 1958, il démissionne et retourne à l’université où il concentre ses recherches sur la détermination de la structure chimique des parois cellulaires bactériennes, utilisant les divers enzymes bactériolytiques qu’il a purifiés et caractérisés auparavant. Il devient alors successivement Assistant (1958), Chef de travaux (1958-1959) , Agrégé de la Faculté (1959-1961), Chargé de cours associé (1961-1966), Professeur associé (1966-1969) et Professeur ordinaire à l'Ecole de Pharmacie de l'Université de Liège (1969). Durant cette période, il collabore activement avec de nombreux chercheurs dans des domaines voisins ; ses collaborations avec Milton Salton (structure), Jack Strominger (biosynthèse) et Gerald Shockman (enzymes lythiques) sont particulièrement fructueuses et constitueront la base principale des recherches qu’il effectue jusqu’en 1975, recherches qui représentent une contribution essentielle à la compréhension de la structure chimique de la paroi cellulaire bactérienne. C’est en 1966, lors d’une table ronde organisée pendant un Symposium de l’« American Chemical Society », qu’il propose d’utiliser le mot « peptidoglycane » pour définir la macromolécule qui forme le squelette de la paroi cellulaire et qui est la cible des autolysines et d’autres enzymes lytiques.
En 1969 il forme un groupe de chercheurs locaux parmi lesquels Mélina Leyh-Bouille, Jacques Coyette, Martine Distèche, Jean Dusart et Jean‑Marie Frère. En 1976, l’équipe contribue à une avancée majeure dans le domaine en démontrant que la pénicilline acyle un résidu sérine dans une des D-alanyl-D-alanine carboxytranspeptidases de Streptomyces sensibles à la pénicilline (FEBS Letters, 1976). En 1978, la première structure complète d’une D-alanyl-D-alanine carboxypeptidase est résolue à Liège. C’est la première structure tri-dimensionnelle d’une protéine à être résolue en Belgique. À cette époque, Jean-Marie Ghuysen ressent aussi la nécessité d’approches théoriques ; Georges Dive et Josette Lamotte rejoignent l’équipe et mettent sur pied un groupe spécialisé en modélisation moléculaire et chimie quantique. L’équipe est maintenant pluridisciplinaire et couvre plusieurs domaines tels que la microbiologie, l’enzymologie, la cristallographie et la chimie théorique avec l’arrivée de nouveaux collaborateurs : Jean Dusart, Paulette Charlier, Bernard Joris et Colette Duez.
En 1990, à l’âge normal de la retraite, il crée avec ses collaborateurs le Centre d’Ingénierie des Protéines au sein de la Faculté des Sciences. Le Recteur de l’Université, le Professeur Arthur Bodson, le désigne comme premier directeur du Centre, fonction qu’il conservera jusqu’à l’âge de 70 ans avant de maintenir une activité de conseiller scientifique. Depuis 1990, le Centre d’Ingénierie de Protéines a prospéré et comprend en 2010 plus de cent scientifiques, techniciens et stagiaires. Jean-Marie Ghuysen a laissé une empreinte durable dans le domaine de la science belge et internationale par ses nombreuses publications : « Medline » en recense 221, dans des journaux périodiques souvent prestigieux
Personnage
Jean-Marie Ghuysen possédait une connaissance encyclopédique en microbiologie et en biochimie. Il était généreux de son temps, toujours disponible pour discuter de leurs résultats ou de leurs problèmes scientifiques avec ses jeunes collaborateurs, ce qui conduisait fréquemment à l’éclosion de nouvelles idées productives. En 1950, il avait épousé Jeanine Defourny (1925-2003). Ils eurent trois enfants ; deux filles (Véronique, historienne et Colette, gynécologue) et un fils (Vincent, spécialiste en médecine nucléaire). Tout au long de sa vie, Jean-Marie Ghuysen a récolté un nombre impressionnant de récompenses prestigieuses (voir cidessous). Jean-Marie Ghuysen décède le 31 août 2004 d’une septicémie.
Principales distinctions
Prix Stas-Spring
Prix Louis Empain
Lauréat du Canada Gairdner International Award
Prix Joseph Maisin du FNRS
Prix de l’Innovation Technologique de la Région wallonne (partagé avec quatre de ses collaborateurs)
Prix International de la Fondation Gairdner en Sciences Médicales
Prix Carlos J. Finlay de l’UNESCO en Microbiologie
Prix Albert Einstein
Prix Bristol-Myers Squibb
Titres
Membre de :
l'Académie Royale des Sciences des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique
l'Academia Europeae, de l'EMBO,
la Société Belge de Biochimie et de Biologie moléculaire (Vice-Président et Président)
de FORBITEC
du groupement d'Intérêt Scientifique Mucoviscidose
de l'American Siociety of Microbiology
de la Biochemical Society
de la New York Academy of Sciences
de l'American Association for the Advancement of Science.
de l’Académie Royale de Belgique (correspondant le 9 janvier 1988 et membre titulaire le 9 janvier 1989)
de l’Académie de Médecine (correspondant le 28 novembre 1980, titulaire le 28 mai 1983)
Il fut Grand-Officier de l'Ordre de Léopold et Grand-Officier de l'Ordre de la Couronne ainsi que Docteur Honoris Causa des Universités de Nancy, Debrecen et Montréal.