Université de Liège - bicentenaire

Biographie de Jean-Baptiste BRASSEUR

Cette biographie a été rédigée par Joëlle Samedi et l’équipe d'ORBi


Jeunesse

Jean-Baptiste Brasseur nait à Esch-sur-L’Alzette, dans la province de Luxembourg, le 24 juin 1802 (alors le 5 messidor de l’an X) et décéde à Liège le 13 mai 1868.

Aîné d’une famille nombreuse d’origine modeste, sa jeunesse est laborieuse et austère, sans confort matériel. Attiré par l’étude de la science, ce n’est qu’à force de sacrifices et d’effort qu’il parviendra à faire des études complètes. Ne pouvant se procurer facilement des livres, Jean-Baptiste Brasseur était forcé de limiter ses lectures à quelques ouvrages essentiels qu’il décortiquait pour les assimiler complètement. Il est éduqué en partie par un instituteur particulier et en partie de manière autodidacte. De sa jeunesse, il conservera toute sa vie le goût de la simplicité.

Il entre ensuite à l’Athénée de Luxembourg puis, en 1824, il s’inscrit à la Faculté des Sciences de la jeune Université de Liège. Il y suivra les cours des premiers Professeurs de l’Université de Liège : la métaphysique avec Bernard-Ignace Denzinger, les sciences avec le médecin et chimiste Delvaux et les mathématiciens Van Rees, Vanderheyden, et Germinal-Pierre Dandelin. Ce dernier aura d’ailleurs une profonde influence sur lui. En 1829, il est reçu docteur en sciences physiques et mathématiques.

Il se rend alors à Paris où il fréquente les leçons de célèbres professeurs tel que Binet au collège de France ou encore Cauchy, Thénard et Gay-Lussac à la Sorbonne. Le soir, il suit des cours de coupe des pierres et de construction des charpentes, les mêmes qu’Eugène Catalan, qui deviendra plus tard son collègue à l’Université de Liège.

Il revient en Belgique en 1830 après l’indépendance et devient professeur privé. Sa première tentative de se rattacher à l’Université de Liège se solde par un échec. Il prend alors les fonctions de capitaine commandant à l’artillerie de la garde civique liégeoise. Il organise dans la salle des Drapiers des cours de géométrie analytique et des cours de géométrie descriptive pour les futurs capitaines. Il fait également partie des jurys de l’examen de l’école militaire.

En 1831, il est nommé conducteur de 3e classe des ponts et chaussées et désigné en cette qualité pour surveiller les constructions navales à Boom, travaux qui n’eurent jamais lieu… Il enseigne les mathématiques élémentaires à l’Université de Louvain jusque 1832. Jean-Baptiste Brasseur se marie en 1831, il aura 5 enfants.

Professorat

Nommé lecteur et chargé des cours de géométrie descriptive et de haute analyse appliquée à la géométrie à l’Université de Liège, il prend pour base de ses leçons les doctrines du mathématicien français GaspardMonge. Très précis et clair, Jean-Baptiste Brasseur est apprécié de ses élèves.

En 1835, suite à la réorganisation des universités, il perd le cours d’analyse et se voit attribuer le cours de mécanique appliquée. Il conserve le cours de géométrie descriptive (avec applications à la coupe des pierres, à la charpente, à la perspective et aux ombres). Il dispense également, à partir de 1835, pour les étudiants des différentes candidatures, un cours de mathématiques élémentaires, cours qui sera supprimé en 1949.

Professeur extraordinaire en 1837, il remplit les fonctions de secrétaire académique de 1838 à 1839 avant d’être nommé professeur ordinaire en 1844. Jean-Baptiste Brasseur sera également membre de la commission de surveillance de l’Ecole industrielle de la ville de Liège. Le 14 décembre 1855, il est élu membre titulaire de l’Académie royale de Belgique (section sciences mathématiques et physiques).

Avec quelques collègues dont Walthère Spring et Théodore Lacordaire, il fonde une association, la « Société royale des sciences de Liège ». Cette association est la plus importante de Belgique, après la classe des sciences de l’Académie royale de Bruxelles. Il en occupe pendant quelques années le poste de secrétaire général.

Le 26 octobre 1860, il reçoit la croix de chevalier de l’ordre de Léopold et le 19 février 1868, il est nommé officier de la Couronne de chêne par le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg. Brasseur est d’autant plus sensible à ces honneurs qu’il est modeste de nature et discret.

En 1865, il perd l’un de ses fils, Léopold, répétiteur de géométrie descriptive à l’Université de Liège. Il le suit de peu et décède trois ans plus tard d’un refroidissement. C’est François Folie, un de ses élèves qui sera chargé de faire publier ses derniers écrits à titre posthume.

Ses récompenses et distinctions

  • Membre de l’Académie royale de Bruxelles à parti de 1855

  • Correspondant de la Société des sciences naturelles de Luxembourg

  • Chevalier de l’ordre de Léopold en 1860

  • Officier de l’ordre de la Couronne de chêne 1868

Ses principaux travaux

Le 19ème siècle est pour la géométrie une période de grandes avancées, un « siècle d’or ». Il commence par l’invention de la géométrie descriptive par Gaspard Monge. Partant de Monge, l’ingénieur et mathématicien français, Jean-Victor Poncelet, met en forme les principes fondamentaux de la géométrie projective. La géométrie analytique continue son développement. La géométrie non euclidienne prendra son essor dans la seconde moitié du siècle.

Alors que Poncelet vient à peine de publier son Traité des propriétés projectives des figures (1822) et les travaux de Monge sont très récents, Jean-Baptiste Brasseur débute dans l’enseignement et se dirige dans un premier temps vers les études de géométrie pure.

Humble, il ne s’empresse pas de publier ses travaux. Ceci l’a sans doute privé de la reconnaissance qu’il aurait méritée dans la découverte de théorèmes de géométrie supérieure. Pour exemple, on retrouve dans le premier ouvrage du suisse Jakob Steiner, Systematische Entwickelung der Abhängigkeit geometrischer Gestalten von einander , des propriétés nouvelles déjà démontrées par Brasseur 7 ans auparavant.

Catalan dira de lui « Si Brasseur avait vécu à Berlin ou à Paris, son nom brillerait à côté de Steiner et de Chasles » [1]

En 1840, il est le premier à montrer que les projections cotées peuvent servir à la recherche et à l’étude de lieux géométriques et met ses théories en application dans son ouvrage Applications des projections cotées à diverses recherches sur l'étendue publié en 1841. Son ouvrage majeur Mémoire sur une nouvelle méthode d'application de la géométrie descriptive à la recherche des propriétés de l'étendue parait en 1855.

Jean-Baptiste Brasseur est un professeur très apprécié, patient et bienveillant à l’égard de ses étudiants. On peut constater la clarté de son enseignement dans son Programme du cours de géométrie descriptive et dans le Précis du cours de mécanique appliquée.

Jean-Baptiste Brasseur a toujours eu une approche innovante dans sa manière d’enseigner. Il avait à cœur d’illustrer ses théories par des exemples concrets, des appareils que les étudiants pouvaient voir fonctionner et même manipuler. En 1835, il fonde le Cabinet de modèles de géométrie descriptive et un laboratoire de mécanique appliquée pour ses élèves : le Musée de mécanique appliquée. On y trouve différentes pièces et machines servant à l’enseignement. Les machines motrices (à vapeur, machines d’épuisement à traction directe, locomotives, roues hydrauliques etc.) peuvent y être mises en mouvement afin d’illustrer les explications données aux élèves par l’expérience. A la mort de Brasseur, c’est V. Dwelshauvers-Dery qui reprendra la direction du musée. Et c’est de cet atelier que sortiront les recherches de ce dernier sur la machine à vapeur [2]. Le Cabinet de modèles de géométrie descriptive, quant à lui, comprend divers éléments tel que des ouvrages à planches, des épures représentant la solution d’un problème de géométrie descriptive, des objets représentant des surfaces et des modèles de géométrie mais aussi des éléments de construction et des plâtres servant au cours d’architecture industrielle.

Jean-Baptiste Brasseur aura exercé une profonde influence sur l'enseignement des mathématiques à l'Université de Liège et on peut dire qu’il a été à la source de cette école de géométrie liégeoise qui se formera avec François Folie, Constantin Le Paige et François Deruyts.

[1] LE ROY, Alfonse, Liber Memorialis : l’Université de Liège depuis sa fondation, Liège : imprimerie J.-G. Carmanne, 1969, p. 81.

[2] Voir les discours de rentrée académique du Recteur Victor Dwelshauvers-Dery à ce propos.

Sources

Brasseur, Jean-Baptiste. In : LE ROY, Alfonse, Liber Memorialis : l’Université de Liège depuis sa fondation, Liège : J.-G. Carmanne, 1969, p. 77-89.

Brasseur, Jean-Baptiste (1802-1868). In : BESTOR.

LE ROY, Alfonse. Liber Memorialis : l’Université de Liège depuis sa fondation. Liège : J.-G. Carmanne, 1969, pp. 1136-39, 1140-42.

LIAGRE, J. Notice sur J.-B. Brasseur . In : Annuaire de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1896.

GODEAUX, Lucien. Brasseur (Jean-Baptiste). In : Biographie nationale, t.29, Bruxelles : Emile Bruylant, 1956.

Namur, P. Histoire des bibliothèques publiques de la Belgique. Volume 3 : Bibliothèque de Liège. Bruxelles, Leipzig : C. Muquardt, 1842, pp. 192-193.

Ses publications